Introduction
Dans un contexte de développement durable et de contraintes liées à l’interdiction de fongicides de synthèse ou prochainement de limitation des intrants, le cycle de l’azote sur les terrains de sports apparaît comme un enjeu majeur. D’une part, le maîtriser permet de limiter les pertes d’azote ou plus largement d’engrais (dénitrification, volatilisation ou lessivage) mais également d’apporter les stricts besoins nécessaires au gazon dans le but recherché par le « consommateur » à savoir le joueur pour les terrains de sports. Une quantité d’azote adaptée permet également de limiter le risque de développement de pathogène ou d’adventices indésirables et donc de remplir au mieux les objectifs à atteindre du « zéro phyto. ».
D’une part, les joueurs de golfs espèrent une ligne de putt homogène donc une densité acceptable elle-même liée à une croissance suffisante mais pas excessive. L’enjeu est d’apporter la quantité nécessaire d’azote pour réparer les quelques dégâts et accompagner une croissance minimale du gazon afin de limiter le risque de développement du feutre, du pâturin annuel et des conditions propices au développement des pathogènes.
D’autre part, Les joueurs de football ou rugby détériorent (dans un usage normal) les terrains de sports et souhaitent à chaque utilisation une densité suffisante pour pratiquer leur sport et limiter leur risque de blessure. Ces dernières surfaces nécessitent quasi constamment (à l’opposé des greens de golfs) une croissance forte pour faciliter la reprise de la surface engazonnée entre les matchs.
Alors que les technologies (azote à libération lente) et les pratiques actuelles (fractionnement maximal avec des apports d’engrais foliaires tous les 10-14 jours, opérations mécaniques) permettent de limiter les pertes dans le sol ou l’atmosphère, la tonte représente l’exportation d’azote la plus importante dans le cycle de l’azote.
Ainsi, un modèle estimant la croissance du gazon permettrait à l’intendant d’estimer les quantités d’azote consommées et anticiper les besoins du gazon. Éventuellement, ce modèle permet de réduire les quantités appliquées à des moment où la croissance est trop faible par rapport aux quantités appliquées.
Alors que la plupart des modèles de croissance sont biophysiques (c’est-à-dire basés sur des équations connues de phénomènes physiologiques ou physiques) et principalement développés pour l’agriculture1–5, très peu de modèles sont disponibles pour les gazons6.
La difficulté de ces modèles réside dans leur calibration qui nécessitent la mesure ou l’estimation de paramètres complexes. De plus, leur force tient surtout sur leur capacité à prédire la croissance sur des temps longs, ce qui n’intéresse pas forcément les gestionnaires de surfaces engazonnées.
Le modèle de « croissance potentielle » de PACE TURF
D’un autre côté, des modèles plus statistiques existent et relient empiriquement certaines variables d’entrée avec des données du terrain. Par exemple, Pace Turf (L. Stowell et W. Gelernter) ont développé un modèle simple statistique reliant croissance relative et température de l’air : le « Potentiel de croissance » ou GP7,8. Développé à l’origine pour faciliter le choix des dates d’overseedings de graminées de saison chaude sur graminées de saison froide7, le modèle a ensuite été utilisé extensivement pour estimer les besoins en azote9 ou en sable de topdressing.
Ce modèle fait le postulat simple que la croissance dépend principalement de la température avec un optimal défini selon le type de graminée (20°C pour les graminées de saison froide et 31°C pour les graminées de saison chaude). La croissance est donc maximale (100% ou 1) pour une température optimale. En-dessous, la croissance diminue exponentiellement mais également au-dessus, de manière symétrique et selon une variance modulable mais préférentiellement définie à 5.5 pour les graminées de saison froide et 7 pour les graminées de saison chaude9.
Pour les graminées de saison froide, en-dessous de 5°C, la croissance relative estimée est proche de 0 (pas ou très peu de croissance) et il en va de même au-dessus de 35°C (voir figure 1).
Ce modèle tente donc très simplement de relier un paramètre météorologique simple et facile à obtenir pour estimer une croissance potentielle relative du gazon.
« Relative » signifie que le modèle n’estime pas la croissance quantitativement en g/m²/jour ou L/m²/jour mais en pourcentage. Libre à l’utilisateur de choisir ce que représente le 100% suivant son expérience du site.
« Potentielle » signifie que c’est une croissance potentiellement optimale si toutes les conditions de croissance sont réunies (disponibilité en azote, teneur en eau et lumière non limitants, absence de pathogène ou stress abiotique limitant la croissance du gazon).
La formule exacte du modèle est la suivante (formule 1) :
Où :
GP est la croissance relative potentielle en %
Var est la variance du modèle c’est-à-dire la manière dont la croissance estimée diminue plus ou moins rapidement autour de la température optimale. Plus la variance est élevée et moins la diminution de croissance est rapide autour de la température optimale (voir figure 1).
T la température de l’air en °C
Topt la température de croissance optimale pour l’espèce en °C
Remarque
Une étude récente de l’université du Nebraska10 en conditions contrôlée avec une variété d’agrostide stolonifère, de pâturin des prés et de raygrass anglais a déterminé les températures optimales de croissance pour ces 3 espèces. Cette dernière est de 20°C pour le raygrass anglais (45 g/m²/semaine) et plutôt 25°C pour l’agrostide et le pâturin des prés (entre 50 et 55 g/m²/semaine). Les mesures de la croissance ont été réalisées entre 5 et 33°C. Les chiffres sont à prendre avec des pincettes (limite des conditions très particulières que représente un environnement contrôlé) mais les ordres de grandeur sont probablement justes pour les températures.
Utilisation du modèle pour estimer les besoins annuels en azote
Le modèle estime une croissance potentielle, entre 0 et 1 ou 0 et 100%. De ce fait, tous les paramètres reliés à la croissance peuvent être approchés une fois cette croissance potentielle estimée.
Pour simplifier, la quantité d’azote prélevée par la plante est proportionnelle à la croissance. Les tissus foliaires des gazons contiennent globalement entre 3 et 5% d’azote suivant l’espèce et les conditions d’entretien11. Cette concentration est relativement stable tout au long de la saison : ces concentrations sont en quelque sorte un état d’équilibre pour le gazon qui se débrouille pour les maintenir.
Ainsi, à l’aide de la croissance potentielle, l’intendant peut estimer à l’échelle du mois la quantité d’azote utilisée par la plante sur une saison complète. Il suffit de paramétrer l’ensemble en choisissant arbitrairement une quantité d’azote maximale utilisée par la plante dans des conditions optimales de croissance (croissance potentielle à 100%).
En générale pour l’agrostide stolonifère, on considère que cette valeur maximale se situe entre 25 et 30 kg N/ha/mois).
Ainsi, à l’aide d’un tableur, l’intendant peut estimer ses besoins en azote en fonction des températures moyennes mesurées sur le golf ou au plus proche du golf.
Estimation des besoins en azote : pas-à-pas
La donnée de base est la température moyenne de l’air. Cette dernière peut être mesurée à l’aide d’une station météo installée sur le golf (il existe différentes marques et différents modèles connectés, citons la station Davis Vantage Pro qui représente un modèle fiable pour un golf). Si aucune station n’est installée, différentes solutions éventuellement gratuites sont disponibles pour collecter les données d’une station fiable la plus proche. Citons l’association infoclimat et son réseau Static qui permettent d’obtenir ce type d’information. Cette méthode est toutefois plus longue car les résultats doivent être transférés sur le tableur à la main.
Il existe deux choix pour les températures moyennes à sélectionner : soit des moyennes des 10-15 dernières années soit seulement de quelques années récentes. L’évolution climatique est telle que les moyennes des 10-15 dernières années ne suffisent parfois plus à être suffisamment représentatives des tendances actuelles. Libre à l’intendant de choisir.
Pour rappel, la température moyenne journalière peut être calculée :
- Soit comme la somme des températures minimale et maximale journalières divisée par 2
- Soit comme la moyenne de toutes les mesures journalières
La température moyenne mensuelle est quant à elle la moyenne de toutes les températures journalières moyennes.
L’étape suivante consiste à utiliser ces températures moyennes mensuelles pour calculer une croissance potentielle mensuelle à partir de la formule 1 (en utilisant 20°C pour la température optimale et variance à 5.5 pour l’agrostide stolonifère par exemple).
L’idéal est de garder la croissance potentielle sous sa version variant de 0 à 1.
Il suffit ensuite de choisir la quantité d’azote maximale consommée par le gazon sur un mois dans des conditions optimales (entre 25 et 30 kg N/ha/mois pour l’agrostide à 20°C). Chacun des intendants peut faire son choix, suivant les quantités habituelles qu’il a tendance à apporter sur le parcours et en fonction des résultats obtenus qualitativement avec ces mêmes quantités.
La valeur de croissance potentielle peut ensuite être multipliée par la quantité maximale d’azote consommé dans les conditions optimales pour chaque mois.
On obtient ainsi mois par mois les quantités d’azote à apporter suivant les spécificités météorologiques du parcours (voir figure 2).
Première approche pour démarrer
Lorsqu’on souhaite démarrer avec cette approche, il est possible d’ajuster la quantité maximale d’azote mensuelle consommée par le gazon dans des conditions optimales (20°C) afin d’obtenir à peu près la quantité annuelle que l’on a l’habitude d’apporter (somme des quantités mensuelles). Normalement, cette quantité devrait se rapprocher de 25-30 kg N/ha/mois.
Ceci permet pour commencer d’étaler correctement les quantités d’azote selon les températures moyennes de chaque mois.
Si la quantité annuelle nécessite de paramétrer le modèle au-dessus de 25-30 kg N/ha/mois, il y a probablement des efforts à faire pour réduire les quantités d’azote à certaines périodes. Certaines problématiques (développement excessif de feutre, de certains pathogènes) peuvent notamment être limitées par cette nouvelle méthode.
En-dessous de 25-30 kg N/ha/mois, félicitations vous êtes déjà sur la bonne voie. Si vous n’avez pas de problème particulier, je vous conseille de continuer votre approche. Cette méthode vous permettra peut-être seulement d’ajuster un peu plus finement vos quantités apportées sur certaines périodes.
Remarque
Sur des greens constitués majoritairement de pâturin annuel, il n’est pas rare de dépasser les 30 kg N/ha/mois dans des conditions optimales de croissance. Il est tentant de diminuer drastiquement les quantités d’azote mais malheureusement pour cette espèce, on se heurte alors à la problématique de l’anthracnose. Il est donc préférable de diminuer graduellement les quantités et de tenter une conversion de flore vers plus d’agrostides ou de fétuques rouges.
Approche plus technique avec la mesure des volumes de tonte
L’approche la plus technique consiste à aller plus loin avec la mesure des volumes de tonte (voir figure 3). Ce sujet fera l’objet d’un autre article à part entière.
La mesure des volumes de tonte permet d’estimer précisément la croissance journalière du gazon et d’évaluer avec plus ou moins de précision les quantités consommées par le gazon. Les quantités peuvent ensuite être comparées aux valeurs calculées par le modèle de croissance potentielle.
L’approche est quasiment la même que pour l’estimation des besoins en azote (voir paragraphe précédent) avec un volume maximal (et non pas une quantité d’azote maximale) à définir en fonction de l’historique des mesures faites sur le parcours ou le terrain.
Minéralisation de la matière organique
Pour ajuster la fertilisation azotée, l’intendant devrait estimer la quantité potentielle d’azote libérée par minéralisation. En général, on peut estimer que 1 à 4% de la matière organique est minéralisée chaque année suivant le climat. Pour les calculs, chaque pourcent de matière organique est constitué en moyenne de 5% d’azote. Se référer aux résultats d’analyses de terres pour faire cette estimation. Un prochain article permettra de faire le point sur la question.
L’intendant peut alors retrancher cette valeur d’azote minéralisée à la quantité totale d’azote à apporter à l’année estimée avec le modèle de croissance potentielle (GP).
Au mieux, la quantité minéralisée peut-être calculée mois par mois en échelonnant la minéralisation en fonction de la température maximale atteinte sur le parcours (en d’autres termes, la minéralisation est proportionnelle à la température). J’ai mis au point un petit modèle simple permettant de faire ce calcul.
Avantages du modèle de croissance potentielle
L’avantage de ce modèle réside dans sa simplicité avec l’usage d’un seul paramètre physique (la température) dont l’impact est reconnu comme majeur sur la croissance. En effet, en-dessous de 10°C, la croissance des gazons est fortement ralentie. Au-dessus de 30°C il en est de même.
Il permet d’ajuster à peu près n’importe quel paramètre lié à la croissance en utilisant des pas de temps assez long (de l’ordre du mois) et constitue un outil simple pour étaler les quantités d’azote à apporter sur un parcours sur une saison.
Il permet également de comparer la croissance relative de différentes régions selon les températures moyennes mensuelles par exemple (voir figures 4 et 5). On notera que sur le territoire français, plusieurs profils de courbes existent.
Remarque
Les courbes en « cloche » sont visibles sur les régions pour lesquelles la température optimale moyenne (20°C) est atteinte en été avec une croissance potentielle proche des 100%. C’est le cas de la plupart des régions non montagneuses au Nord de Valence et sur toute la majorité de la partie Nord de la France.
Les courbes en « chameau » c’est-à-dire avec un premier pic de croissance en mai-juin puis septembre octobre avec une diminution de la croissance lors de fortes chaleurs de juillet/aout sont visible pour la plupart des villes situées en-dessous de Valence et Bordeaux.
Enfin les courbes en cloches avec un pic de croissance limité lors de la période estivale du à des températures trop faibles : c’est le cas des zones de montagne mais également d’autres ville comme Brest par exemple.
Limites du modèle
Les limites de ce modèle sont celles de son avantage : sa simplicité. En effet, de nombreux autres facteurs influent sur la croissance et notamment la quantité de lumière (souvent approchée par la mesure des radiations solaires ou encore mieux de flux photosynthétique ou PPFD ou DLI, ce dernier paramètre étant déjà plus difficile à obtenir).
Bill Kreuser, de l’université du Nebraska observe que le modèle a tendance à surestimer la croissance à la fin du printemps et au début de l’automne et sous-estimer cette dernière en été dans le Nebraska10. Le chercheur estime que le modèle représente un bon indicateur de la production de sucres dans la plante mais pas nécessairement un bon indicateur de croissance. Lorsque la croissance réelle est forte (volume de tonte élevé) mais que la croissance potentielle est faible, le gazon risque probablement d’utiliser fortement ses réserves en hydrate de carbone. Si cette période est longue, cela peut aller jusqu’à la mort de la plante (été par exemple). A l’inverse, si la croissance réelle est faible et que la croissance potentielle est faible, alors le gazon est probablement en train d’accumuler des hydrates de carbone (c’est le cas à l’automne).
Dans une autre publication récente sur la modélisation de la croissance de l’agrostide stolonifère, Doug Soldat et Qiyu Zhou démontrent également que ce modèle a tendance à surestimer la croissance sur des greens de recherche et sur les greens d’un golf du Minnesota12. Par rapport aux autres modèles proposés dans l’étude, les auteurs concluent sur ses limites du fait de l’inclusion d’un seul paramètre : la température. A noter que le pas de temps de l’étude est relativement court avec des données cumulées ou moyennées de 3 jours à 7 jours.
Évidemment, d’autres paramètres ont une influence sur la croissance mais le modèle permet néanmoins d’approcher cette dernière de manière globale.
L’approche reste donc convaincante puisqu’en règle générale, la température est assez bien corrélée à la quantité de radiations solaires suivant les saisons. En hiver, les températures ne sont pas favorables à la croissance, la quantité de lumière est également limitée du fait de la position du soleil avec un nombre d’heures et une intensité plus faibles qu’en été. Au fur et à mesure que les journées se rallongent, la quantité de lumière apportée augmente en parallèle avec les températures.
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ce modèle, j’étais particulièrement excité à l’idée de pouvoir anticiper les variations de croissance à l’aide prévisions météorologiques par exemple ou à l’aide de mesures à court terme (7 à 14 jours) obtenues avec des stations météorologiques.
Toutefois et selon mon expérience, les variations à court terme de croissance (7 jours, 14 jours) sont assez dépendantes de ces conditions d’ensoleillement (mais aussi d’autres paramètres…) et il n’est pas rare que luminosité et température soient décorrélées. De plus, à court terme, de nombreux autres paramètres sont susceptibles d’influencer la croissance. Dans ce cas le modèle de croissance potentielle n’est pas assez précis pour constituer un outil d’aide à la décision suffisamment robuste.
Lors d’échanges avec Micah Woods (Asian Turfgrass Center) à propos de données de croissance que j’essayais de calibrer sur de courtes périodes, une de ces remarques illustre bien les limites du modèle :
« Je pense que tu peux essayer de lisser tes résultats sur une durée de l’ordre de la semaine ou du mois. La croissance du gazon se fait sur des pas de temps relativement longs. Il sera plus facile de comprendre les différents facteurs influençant la croissance, et leur impact sur tes mesures, si les données sont affichées à minima sur l’ordre de la semaine ou du mois ».
Il est donc préférable d’utiliser ce modèle à l’échelle du mois (voir figures 6 et 7) pour planifier et ajuster son plan de fertilisation sur une saison en fonction des températures moyennes du site. Éventuellement sur des durée plus courtes, la croissance potentielle estimée peut être utilisée comme indicateur global, mais pas plus.
L’utilisation de ce modèle en plus des données de volumes de tonte représente la méthode optimale de gestion de la croissance et de la fertilisation azotée.
Modification personnelle du modèle de croissance potentielle
Lorsque je me suis intéressé aux modèles de croissance, je suis vite tombé sur une étude du STERF qui tentait de modéliser la croissance de différentes espèces de gazon. Le but était d’étudier les mortalités hivernales mais également l’impact du changement climatique sur la croissance du gazon dans les conditions météorologiques scandinaves6.
Le modèle utilisé (SOILN) a été développé à l’origine sur des graminées fourragères et se situe clairement dans la catégorie des modèles biophysiques. Dans l’étude, les chercheurs ont réussi à calibrer le modèle pour leurs conditions et à prédire relativement précisément la croissance en g/m² mais les paramètres à calibrer sont complexes à estimer et difficilement adaptables à d’autres situations.
Toutefois, le processus qui explique la croissance foliaire est plutôt simple et basé sur des températures minimales et maximales de croissance ainsi que sur les radiations solaires. Cette relation qui relie croissance et température ainsi que quantité de lumière n’est pas propre à ce modèle mais largement établie dans la modélisation de la croissance des plantes.
C’est pourquoi j’ai moi-même adapté le modèle de croissance potentielle de Pace Turf avec des hypothèses légèrement différentes (tendance entre croissance et température non exponentielle) et en incluant le paramètre de quantité de lumière. Je propose le choix entre la croissance potentielle de Pace Turf (relation exponentielle entre température croissance) ou une modification de ce modèle tout en incluant le paramètre de radiation solaire.
Sur mes données de croissance mesurées sur raygrass anglais pour un stade haut niveau, la modification du modèle permet un gain de précision significatif par rapport au modèle de croissance potentiel simple. Je serais clairement intéressé pour tester le modèle sur green de golf.
Avantages de la modification
L’avantage de mon modèle réside dans la prise en compte d’un paramètre considéré comme important pour la croissance : les radiations solaires. Il permet de gagner en précision par rapport à un modèle basé uniquement sur la température.
Les données de radiations solaires sont souvent disponibles sur les stations du réseau Static sur le site infoclimat. Alors qu’il est difficile d’obtenir les moyennes des 10 dernières années, il est possible de revenir sur plusieurs années avec la difficulté de récolter ces informations. De semaine en semaine, il est toutefois simple de relever les valeurs pour estimer la croissance et éventuellement les comparer avec les volumes de tonte mesurés (croissance réelle).
La mesure des radiations solaire est assez classique sur les stations météorologiques semi-professionnelles ou professionnelles (nécessaire pour estimer l’évapotranspiration) pouvant être installées sur les golfs ou terrains de sports.
Limites de la modification
La limite de mon modèle réside dans la difficulté éventuelle à obtenir la mesure de radiations solaires. Cette mesure n’est pas systématiquement faite sur les stations météo et les prévisions météorologiques n’incluent pas dans leur version gratuite les prévisions des radiations solaires. De plus, pour les versions payantes (prix très élevé) la prévision n’est faite que sur quelques jours, ce qui ne nous intéresse peu en termes de croissance qui est un processus se faisant sur des temps plus longs.
Enfin, la limite de mon modèle réside également dans le choix d’une valeur de radiation maximale qui dépendra légèrement du site (aux alentours de 1000 W/m²/jour en France).
Dans une discussion récente avec Doug Soldat, ce dernier m’a expliqué que dans leur étude sur la modélisation de la croissance12, le choix avait été fait de ne pas inclure les radiations solaires puisque ces données étaient assez rarement accessibles aux intendants : « Nous n’avons pas utilisé les radiations solaires parce que cette donnée n’est pas facilement accessible. Toutes nos données météo proviennent d’internet et les radiations solaires ne sont généralement disponibles que sur les dispositifs de stations météo individuelles ».
En allant plus loin dans la discussion avec Qiyu Zhou, la chercheuse a aimablement fait tourner le modèle mis au point récemment sur leurs parcelles en agrostides stolonifères dans le Wisconsin12 sur d’autres données plus anciennes issues de parcelles en agrostides. Le modèle indique que le paramètre radiation solaire ne semble pas avoir une incidence majeure sur la croissance. Cependant, dans cet essai, les radiations solaires étaient seulement moyennées sur 3 jours ce qui reste un pas de temps très court pour la croissance.
L’apport des radiations solaires est sûrement valable à l’échelle du parcours mais pas à l’échelle du green car chaque green possède son microclimat avec une quantité de lumière propre qui influe sur la croissance de chacun. C’est pourquoi la mesure des volumes de tonte est nécessaires sur plusieurs greens avec des conditions de lumière différentes afin d’appréhender au mieux la moyenne à l’échelle du parcours. En effet, une station météo devrait être placée sur une zone ensoleillée pour estimer le rayonnement global sans ombre, elle renseigne donc sur la quantité de lumière qui touche le parcours dans son ensemble, sans prendre en compte l’ombre liée à la topographie ou à la végétation. Alors que l’ombre touche effectivement certains greens en diminuant le rayonnement qui arrive sur le gazon, la quantité de lumière globale qui touche la zone d’ombre dépend quand même des radiations solaires globales avec une relation de proportionnalité.
Ainsi, il est très probablement possible de modéliser la croissance sur chaque site mais les modèles utilisés seront probablement tous différents pour obtenir la fiabilité la plus élevée. Les résultats de l’étude de Qiyu Zhou et Doug Soldat12 vont d’ailleurs dans ce sens. Le modèle mis au point sur leurs parcelles du Wisconsin ne fonctionne pas aussi bien sur un golf de Minneapolis. Une modélisation propre au site permet d’obtenir la meilleure fiabilité.
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